À l’occasion d’un séminaire conjoint le 28 octobre, les conférences hospitalo-universitaires (présidents de CME, directeurs généraux, doyens) ont convergé sur les constats qui entravent l’activité des CHU, ainsi que sur les solutions pouvant leur redonner les marges de manœuvre dont ils ont besoin pour mieux répondre aux besoins des territoires en matière de soins, de recherche et de formation.
Depuis plusieurs années déjà, la nécessité d’organiser le système de santé à l’échelle du territoire s’est imposée et les CHU ont contribué aux mutations nécessaires en faveur d’une organisation plus efficace, car plus coordonnée au sein de leur subdivision, comme au sein des GHT qu’ils coordonnent. Face aux crises successives de notre système de santé (crise sanitaire, crise des ressources humaines, crise des urgences, crise de la pédiatrie…), les CHU sont devenus le dernier rempart pour parer aux failles de plus en plus fréquentes dans les écosystèmes locaux de santé. Par leur grande adaptabilité, les CHU ont su faire face lors de la crise sanitaire, mais ils en sortent fragilisés. Ils atteignent les limites de leur capacité de soutien et sont désormais eux-mêmes en difficulté ou le seront prochainement, pour assumer pleinement leurs missions.
Dans un environnement marqué par l’érosion de la démographie médicale et soignante et par la hausse des prix (énergie, matériels, alimentation), les CHU ne parviennent à assurer encore la fonction de bouclier sanitaire qu’au prix d’une dégradation progressive de leur capacité de prise en charge, notamment de recours, de leur soutenabilité financière et de l’érosion de la résilience de leurs équipes.
Si la restauration de la première ligne ambulatoire et de sa permanence s’avère priorisée par les CNR santé territoriaux, elle doit aussi permettre d’effectuer l’indispensable transformation de l’offre hospitalière de proximité. Il nous faut sortir de l’illusion d’un possible « tout partout » hospitalier, déceptif pour les patients et dont finalement les établissements les plus importants restent la dernière digue.
En responsabilité, les trois composantes de la gouvernance des CHU se doivent d’alerter sur le risque encouru par l’ensemble de notre système si les CHU n’étaient plus en mesure d’assumer de manière satisfaisante leurs missions de recours, de formation des professionnels de demain et de fer de lance de la recherche et de l’innovation en santé.
Depuis plusieurs années, nous avons mis en œuvre les transformations organisationnelles et managériales internes et sommes déterminés à les poursuivre pour renforcer notre performance et notre attractivité, mais nous avons aussi besoin de décisions fortes et rapides pour répondre aux quatre grandes problématiques qui nous menacent et fragilisent par voie de conséquence l’ensemble du système de santé :
- La très grande fragilité de la permanence des soins : il est urgent de revaloriser les gardes, le travail de nuit et de week-end en différenciant la valorisation de la permanence des soins en fonction du niveau de contrainte effective qu’elle fait peser sur les établissements. Sans cette revalorisation graduée, nous ne serons bientôt plus en mesure de mobiliser nos professionnels dans les services à garde.
- La baisse inquiétante d’attractivité des carrières hospitalo-universitaires : répondre à l’immense enjeu de formation (volume d’étudiants, qualité des formations) et de recherche passe par le renforcement des capacités d’enseignement dans les CHU. Une alerte significative est donnée aujourd’hui par la perte évidente d’attractivité des postes de chefs de clinique, qui sont les enseignants et les chercheurs de demain. L’amélioration de leur statut est indispensable (rémunération, congés annuels, sanctuarisation du temps de travail universitaire…), tout comme la mise à niveau des statuts HU, dont le premier élément doit concerner l’ouverture des droits à la retraite sur leur exercice hospitalier.
- La perte d’attractivité des métiers paramédicaux : elle fait tout à la fois peser une menace quotidienne sur la sécurité et la continuité des soins et amplifie le retard pris par notre pays sur la prise en charge de certains actes diagnostiques et thérapeutiques ne nécessitant pas de compétences exclusivement médicales. Aller plus vite et plus loin nécessite de réaliser une véritable démarche d’intégration universitaire des formations paramédicales, avec le double objectif de maintenir la compétence métier et d’intégrer ces formations dans un parcours LMD permettant des évolutions professionnelles valorisées et une formation à la démarche scientifique. Il faut dans l’immédiat soutenir et valoriser les métiers d’IPA, d’IDE coordinatrices, d’IDE de recherche clinique…, ainsi que l’expérience acquise à travers des évolutions de carrière en reconnaissant significativement les expertises et en offrant de véritables perspectives par une réelle réingénierie des métiers. Le rôle essentiel de l’encadrement paramédical doit être réaffirmé et mieux valorisé.
- Le risque de perte de valeur de la recherche et innovation en santé que représentent les CHU. Trois priorités peuvent être dégagées qui auront des effets structurants : le renforcement des synergies et coopérations des acteurs (CHU, EPST, Université) dans le cadre d’une politique unique de site. La mise en place d’un guichet unique facilitant l’exercice des chercheurs, le renforcement des capacités d’investigation clinique dans les territoires, par le financement, d’une nouvelle Merri, permettant le recrutement de 500 techniciens d’études cliniques, indispensables à une véritable irrigation territoriale.
En faisant tacitement des CHU la variable d’ajustement du système de santé, le risque est grand de menacer ce dernier dans son ensemble. La dégradation de plus en plus rapide de la réponse aux besoins de santé de la population impose des décisions fortes et rapides, concertées et opérationnelles. Les CHU sont prêts à participer à leur construction.